Posted: 29 Dec 2005, 21:58
La bataille d'Andrinople
En 376, poussé par les invasions des Huns, les Goths, commandés par Alavivus et Fritigern, demandent à s'installer dans l'empire romain. Espérant qu'ils deviennent des agriculteurs et des soldats, l'empereur Valens les autorise à s'établir dans l'Empire comme fédérés. Mais la malhonnêteté des commandants provinciaux pousse les nouveaux venus à la révolte après de nombreuses vexations. Ils franchissent le Danube et sèment la désolation. Valens demande alors à Gratien, l'empereur d'Occident, des renforts pour lutter contre les Goths bien plus nombreux. Celui-ci lui envoie le général Frigérid avec des renforts ainsi que le chef de sa garde Richomer. Il s'ensuit pendant les deux années précédant la bataille d'Andrinople une série d'affrontements d'où ne se dégage aucun vainqueur.
En 378, Valens décide de prendre les choses en main lui même. Il quitte Antioche pour Constantinople et demande en même temps au général Sébastien de quitter l'Italie. Celui-ci réussit à prendre un groupe de Goths par surprise et à le forcer à la retraite. En apprenant les succès du général Sébastien sur les Goths et de Gratien sur les Alamans en occident, l'empereur Valens se sent poussé à l'action. Il quitte Mélanthis pour rejoindre Andrinople afin de faire la jonction avec Sébastien. Le 6 août, une reconnaissance lui apprend la présence des Goths marchant vers le Sud-est d'Andrinople et distants d'une vingtaine de kilomètres. Le but des Goths est de contourner l'armée romaine qui remonte vers Andrinople. Malgré un terrain difficile, Valens atteint Andrinople où il fait construire un camp avec fossé et rempart.
Richomer, envoyé par Gratien, porte une lettre le priant d'attendre l'arrivée du renfort des troupes d'occident avant d'engager la bataille. Ses officiers lui recommendent également d'attendre, mais Valens décide d'engager le combat sans attendre en se référant au précédent succès de Sébastien et à l'estimation des troupes Goths fortent d'environ 10 000 hommes.
Les Goths ont aussi reperé les Romains et le 8 août, Fritigern envoie un émissaire pour proposer la paix et une alliance en échange d'un territoire romain. Sûr de remporter la victoire grâce à sa supériorité numérique supposée, Valens rejette ces propositions. Mais ses estimations n'ont pas pris en compte une partie de la cavalerie goth, parti fourrager plus loin. L'armée de Valens est composé de vétérans, et de troupes aguerries. Elle comporte sept grandes unités d'infanterie (légions et auxiliaires palatins) de 700 à 1 000 hommes chacunes. La cavalerie comporte des scutaires-archers et des scholes palatines de la garde impériale. Mais celles-ci ne représente pas le point fort de l'armée de Valens et elles s'enfuiront à l'arrivée de la cavalerie goth. Il est aussi fait mention d'escadrons de cavaliers Sarrasins, mais ceux-ci sont plus apte à la guerre d'escarmouche qu'à la bataille rangée.
Le matin du 9 août, Valens fait lever le camp d'Andrinople, où il laisse le trésor et l'administration impériale sous la garde de plusieurs légions. Renseigné par une reconnaissance des jours précédents, il sait où est situé le camp goth. Les Romains y arrivent après une marche de 7 heures en terrain difficile.Aux alentours de deux heures de l'après-midi, les troupes romaines arrivent en désordre face aux Goths installés sur le sommet d'une colline. Ceux-ci, privés de leur cavalerie prennent position devant des chariots diposés en cercle à l'intérieur duquel sont disposées leurs familles. L'objectif de Fritigern est de gagner du temps, afin de permettre à sa cavalerie de revenir. Les champs sont alors incendiés afin de retarder les Romains, puis des négociations sont engagées pour un échange d'otages. Ces négociations exaspèrent les soldats romains qui se sentent en position de force, mais elles procurent un temps précieux à Fritigern.Les Romains engagent la bataille sans en avoir reçu l'ordre, croyant à une victoire facile. La schole palatine des scutaires-archers que commande le prince géorgien Bacurius attaque, mais privée de soutien, elle est facilement repoussée. Puis les Romains de l'aile gauche atteignent le cercle de chariots, mais il est trop tard, car à ce moment, la cavalerie goth parvient à rejoindre le champ de bataille pour soutenir l'infanterie. Elle encercle les troupes romaines déjà disloquée par le premier assaut. Les Romains refluent au bas de la colline où ils ne peuvent plus manœuvrer, gênés par leurs lourdes armures et leurs longs boucliers. Les pertes, l'épuisement et la pression psychologique deviennent tels qu'ils fuient en désordre. La poursuite lancée par la cavalerie tourne à un massacre qui ne prend fin qu'à la nuit tombée.
Dans cette déroute l'empereur lui-même est abandonné par sa garde, on essaie de le retrouver mais de nombreuses unités de cavalerie ont déserté. Il meurt anonymement sur le champ de bataille. De nombreux officiers, parmi lesquels le général Sébastien, sont tués et il s'agit du pire désastre pour l'armée romaine depuis la bataille de Cannes. Cette bataille est un coup très rude pour l'empire. En effet, le corps de bataille de l'Empire d'Orient est anéanti, des cadres précieux ont été tués et toutes les fabriques d'armes de la zone danubienne sont détruites à la suite de la bataille. L'absence de réserves pour cette armée devenue professionnelle et qui connaît une grave crise de recrutement accentue l'impact stratégique et moral de la défaite.Cette bataille est le signe que les Barbares, à force de combattre pour ou contre les Romains sont devenus des adversaires redoutables.
(suite : cf plus haut)
LA BATAILLE COUTRAI - 1302
Après la prise de possession des Flandres par le roi de France, qui trouva les habitants trop fiers d'eux-mêmes, le gouverneur de Châtillon s'attacha à les remettre à leur place. Il les priva de beaucoup de privilèges, s'aliénant les riches, et frappa les pauvres d'impôts. Comme on pouvait s'y attendre, le peuple commença à parler tout bas.
Trente chefs de métier vinrent tout d'abord se plaindre à Châtillon que les ouvrages commandés pour le roi ne leur étaient toujours pas payés. Le grand seigneur, habitué aux droits de corvée, trouva la réclamation insolente et les fit arrêter. Le peuple en armes les délivra en tuant quelques hommes, au grand effroi des riches qui se déclarèrent pour le roi pour maintenir le peu de privilèges qui leur restaient. L'affaire fut portée devant le Parlement de Paris qui jugea la Flandre et décida que les chefs de métier devaient retourner en prison. Cette décision fut à l'origine d'une vaste série de massacres commis contre les Français en Flandre et parmi lesquels ressort celui de la terrible journée du 21 mars 1302 et des deux jours qui suivirent pendant lesquels 1.200 cavaliers et 2.000 sergents à pied français furent passés par les armes, défenestrés, battus à mort par les habitants de Bruges.
Après de tels évènements, les habitants n'avaient d'autre alternative que vaincre ou périr. Les Brugeois marchèrent d'abord sur Gand, dans l'espoir que cette grande ville se joindrait à eux. Mais les Gantais refusèrent de se joindre au Brugeois. Ils trouvèrent cependant comme alliés le Franc de Bruges, Ypres, l'Ecluse, Newport, Furnes, Gravelines. La ville de Courtrai fut emportée par Gui de Namur, un des fils du comte de Flandre, et la garnison fut refoulée dans le château. Les Flamands apprirent peu après que le comte Robert d'Artois était entré en Flandre par Tournai à la tête d'une formidable armée ; elle comptait, suivant Villani, qui était alors sur les lieux, 7.500 hommes d'armes, 10.000 archers, et 30.000 fantassins levés parmi les milices communales. Presque tous les grand barons y étaient. Guillaume de Juliers, neveu de Gui de Namur, apprit la nouvelle alors qu'il entreprenait le siège de Cassel. Il se replia sur Courtrai pour l'y rejoindre. Leurs forces réunies ne dépassaient guère 20.000 combattants.
Les artisans, qui formaient cette armée de révoltés, n'avaient guère combattu en rase campagne, et auraient peut être reculé volontiers. Mais la retraite était trop dangeureuse dans une grande plaine et devant toute cette cavalerie. Ils attendirent donc bravement. Chaque homme avait mis devant lui à terre son pieu ferré. Leur devise était : Seilt une vriendt, mon ami et mon bouclier. Les chevaliers qu'ils avaient avec eux, pour les encourager, renvoyèrent leurs chevaux ; et en même temps qu'ils se faisaient fantassins, ils firent chevaliers les chefs des métiers. Ils savaient tous qu'il n'y avait pas de grâce à attendre. On répétait que Châtillon arrivait avec des tonneaux pleins de cordes pour les étrangler. La reine avait, disait-on, recommandé aux français que quand ils tueraient les porcs flamands, ils n'épargnassent pas les truies flamandes.
Le connétable Raoul de Nesle proposait de tourner les Flamands et de les isoler de Courtrai. Mais le cousin du roi, Robert d'Artois, qui commandait l'armée, lui dit brutalement : "est-ce que vous avez peur de ces lapins, ou bien avez-vous peur de leur poil ? ". Le connétable, qui avait épousé une fille du comte de Flandre, sentit l'outrage, et répondit fièrement : "Sire, si vous venez où j'irai, vous irez bien avant !" En même temps, il se lança en aveugle à la tête des cavaliers en cette journée du 11 juillet 1302 dans un nuage de poussière. Les diverses compagnies se confondirent en une vaste colonne qui tomba sur les Flamands comme une trombe parmi les tourbillons de poussière. Chacun s'efforçant de le suivre et craignant de rester à la queue, les derniers poussaient les premiers ; ceux-ci approchant des Flamands trouvèrent, ce qu'on trouve partout dans ce pays coupé de fossés et de canaux, un fossé de 5 brasses de large. Ils y tombèrent, s'y entassèrent ; le fossé étant en demi-lune, il n'y avait pas moyen de s'écouler par les côtés. Les insurgés en profitèrent pour franchir le canal en deux points et charger sur les flancs cette masse confuse.
A l'aspect de leur ruine et de leur chute si promptes, le noble comte d'Artois, qui n'était pas accoutumé à fuir, avec sa compagnie de forts et vaillants gentilshommes, se plongea aussi au milieu des Flamands comme un lion enragé ; mais pour la grand'multitude de lances que les flamands tenaient serrées les unes contres les autres, il ne put transpercer leurs batailles… Les Brugeois n'épargnèrent aucune âme ; mais de leurs lances aiguës et bien ferrées, ils faisaient trébucher et choir chevalier après chevalier et les tuaient à terre. Et le comte d'Artois, bien qu'il fut navré de 30 blessures ou plus, se battait toutefois vaillantement et vigoureusement. Si tous les gentilshommes qui se trouvaient à la queue de la colonne eussent tenté un vigoureux effort, peut être eussent-ils dégagé leurs compagnons d'armes ; mais saisis d'une panique universelle, ils tournèrent bride et s'abandonnèrent à une fuite " très laide et très honteuse ". Et ainsi le duc de Bourgogne, le comte de Saint-Pol, Loys de Clermont et 2.000 hauberts laissèrent mourir leurs compagnons.
Les Flamands tuèrent à leur aise ces cavaliers désarçonnés : ils les choisissaient dans le fossé. Quand les cuirasses résistaient, ils les assommaient avec des maillets de plomb ou de fer. Ils avaient parmi eux bon nombre de moines ouvriers, qui s'acquittaient en conscience de cette sanglante besogne.
Toute la chevalerie de France vint s'enterrer là : Artois, Châtillon, Nesle, Brabant, Eu, Aumale, Dammartin, Dreux, Soissons, Tancarville, Vienne, Melun, une foule d'autres. 4000 éperons dorés (un autre dit 700) furent pendus dans la cathédrale de Courtrai. Triste dépouille qui porta malheur à la ville. 80 ans après, Charles VI vit les éperons, et fit massacrer tous les habitants.
Les Flamands victorieux allèrent ensuite aux tentes des chevaliers, et y trouvèrent grande quantité d'armes et grand appareillage. Quand ils eurent dépouillé tous les morts de leurs harnois et de leurs vêtements, ils s'en revinrent en grande joie à Bruges ; et ainsi, les corps dépouillés de tant de nobles hommes demeurèrent en la place et au champ, sans que nul les mit en sépulture, et les bêtes des champs, les chiens et les oiseaux mangèrent leurs charognes.
En 376, poussé par les invasions des Huns, les Goths, commandés par Alavivus et Fritigern, demandent à s'installer dans l'empire romain. Espérant qu'ils deviennent des agriculteurs et des soldats, l'empereur Valens les autorise à s'établir dans l'Empire comme fédérés. Mais la malhonnêteté des commandants provinciaux pousse les nouveaux venus à la révolte après de nombreuses vexations. Ils franchissent le Danube et sèment la désolation. Valens demande alors à Gratien, l'empereur d'Occident, des renforts pour lutter contre les Goths bien plus nombreux. Celui-ci lui envoie le général Frigérid avec des renforts ainsi que le chef de sa garde Richomer. Il s'ensuit pendant les deux années précédant la bataille d'Andrinople une série d'affrontements d'où ne se dégage aucun vainqueur.
En 378, Valens décide de prendre les choses en main lui même. Il quitte Antioche pour Constantinople et demande en même temps au général Sébastien de quitter l'Italie. Celui-ci réussit à prendre un groupe de Goths par surprise et à le forcer à la retraite. En apprenant les succès du général Sébastien sur les Goths et de Gratien sur les Alamans en occident, l'empereur Valens se sent poussé à l'action. Il quitte Mélanthis pour rejoindre Andrinople afin de faire la jonction avec Sébastien. Le 6 août, une reconnaissance lui apprend la présence des Goths marchant vers le Sud-est d'Andrinople et distants d'une vingtaine de kilomètres. Le but des Goths est de contourner l'armée romaine qui remonte vers Andrinople. Malgré un terrain difficile, Valens atteint Andrinople où il fait construire un camp avec fossé et rempart.
Richomer, envoyé par Gratien, porte une lettre le priant d'attendre l'arrivée du renfort des troupes d'occident avant d'engager la bataille. Ses officiers lui recommendent également d'attendre, mais Valens décide d'engager le combat sans attendre en se référant au précédent succès de Sébastien et à l'estimation des troupes Goths fortent d'environ 10 000 hommes.
Les Goths ont aussi reperé les Romains et le 8 août, Fritigern envoie un émissaire pour proposer la paix et une alliance en échange d'un territoire romain. Sûr de remporter la victoire grâce à sa supériorité numérique supposée, Valens rejette ces propositions. Mais ses estimations n'ont pas pris en compte une partie de la cavalerie goth, parti fourrager plus loin. L'armée de Valens est composé de vétérans, et de troupes aguerries. Elle comporte sept grandes unités d'infanterie (légions et auxiliaires palatins) de 700 à 1 000 hommes chacunes. La cavalerie comporte des scutaires-archers et des scholes palatines de la garde impériale. Mais celles-ci ne représente pas le point fort de l'armée de Valens et elles s'enfuiront à l'arrivée de la cavalerie goth. Il est aussi fait mention d'escadrons de cavaliers Sarrasins, mais ceux-ci sont plus apte à la guerre d'escarmouche qu'à la bataille rangée.
Le matin du 9 août, Valens fait lever le camp d'Andrinople, où il laisse le trésor et l'administration impériale sous la garde de plusieurs légions. Renseigné par une reconnaissance des jours précédents, il sait où est situé le camp goth. Les Romains y arrivent après une marche de 7 heures en terrain difficile.Aux alentours de deux heures de l'après-midi, les troupes romaines arrivent en désordre face aux Goths installés sur le sommet d'une colline. Ceux-ci, privés de leur cavalerie prennent position devant des chariots diposés en cercle à l'intérieur duquel sont disposées leurs familles. L'objectif de Fritigern est de gagner du temps, afin de permettre à sa cavalerie de revenir. Les champs sont alors incendiés afin de retarder les Romains, puis des négociations sont engagées pour un échange d'otages. Ces négociations exaspèrent les soldats romains qui se sentent en position de force, mais elles procurent un temps précieux à Fritigern.Les Romains engagent la bataille sans en avoir reçu l'ordre, croyant à une victoire facile. La schole palatine des scutaires-archers que commande le prince géorgien Bacurius attaque, mais privée de soutien, elle est facilement repoussée. Puis les Romains de l'aile gauche atteignent le cercle de chariots, mais il est trop tard, car à ce moment, la cavalerie goth parvient à rejoindre le champ de bataille pour soutenir l'infanterie. Elle encercle les troupes romaines déjà disloquée par le premier assaut. Les Romains refluent au bas de la colline où ils ne peuvent plus manœuvrer, gênés par leurs lourdes armures et leurs longs boucliers. Les pertes, l'épuisement et la pression psychologique deviennent tels qu'ils fuient en désordre. La poursuite lancée par la cavalerie tourne à un massacre qui ne prend fin qu'à la nuit tombée.
Dans cette déroute l'empereur lui-même est abandonné par sa garde, on essaie de le retrouver mais de nombreuses unités de cavalerie ont déserté. Il meurt anonymement sur le champ de bataille. De nombreux officiers, parmi lesquels le général Sébastien, sont tués et il s'agit du pire désastre pour l'armée romaine depuis la bataille de Cannes. Cette bataille est un coup très rude pour l'empire. En effet, le corps de bataille de l'Empire d'Orient est anéanti, des cadres précieux ont été tués et toutes les fabriques d'armes de la zone danubienne sont détruites à la suite de la bataille. L'absence de réserves pour cette armée devenue professionnelle et qui connaît une grave crise de recrutement accentue l'impact stratégique et moral de la défaite.Cette bataille est le signe que les Barbares, à force de combattre pour ou contre les Romains sont devenus des adversaires redoutables.
(suite : cf plus haut)
LA BATAILLE COUTRAI - 1302
Après la prise de possession des Flandres par le roi de France, qui trouva les habitants trop fiers d'eux-mêmes, le gouverneur de Châtillon s'attacha à les remettre à leur place. Il les priva de beaucoup de privilèges, s'aliénant les riches, et frappa les pauvres d'impôts. Comme on pouvait s'y attendre, le peuple commença à parler tout bas.
Trente chefs de métier vinrent tout d'abord se plaindre à Châtillon que les ouvrages commandés pour le roi ne leur étaient toujours pas payés. Le grand seigneur, habitué aux droits de corvée, trouva la réclamation insolente et les fit arrêter. Le peuple en armes les délivra en tuant quelques hommes, au grand effroi des riches qui se déclarèrent pour le roi pour maintenir le peu de privilèges qui leur restaient. L'affaire fut portée devant le Parlement de Paris qui jugea la Flandre et décida que les chefs de métier devaient retourner en prison. Cette décision fut à l'origine d'une vaste série de massacres commis contre les Français en Flandre et parmi lesquels ressort celui de la terrible journée du 21 mars 1302 et des deux jours qui suivirent pendant lesquels 1.200 cavaliers et 2.000 sergents à pied français furent passés par les armes, défenestrés, battus à mort par les habitants de Bruges.
Après de tels évènements, les habitants n'avaient d'autre alternative que vaincre ou périr. Les Brugeois marchèrent d'abord sur Gand, dans l'espoir que cette grande ville se joindrait à eux. Mais les Gantais refusèrent de se joindre au Brugeois. Ils trouvèrent cependant comme alliés le Franc de Bruges, Ypres, l'Ecluse, Newport, Furnes, Gravelines. La ville de Courtrai fut emportée par Gui de Namur, un des fils du comte de Flandre, et la garnison fut refoulée dans le château. Les Flamands apprirent peu après que le comte Robert d'Artois était entré en Flandre par Tournai à la tête d'une formidable armée ; elle comptait, suivant Villani, qui était alors sur les lieux, 7.500 hommes d'armes, 10.000 archers, et 30.000 fantassins levés parmi les milices communales. Presque tous les grand barons y étaient. Guillaume de Juliers, neveu de Gui de Namur, apprit la nouvelle alors qu'il entreprenait le siège de Cassel. Il se replia sur Courtrai pour l'y rejoindre. Leurs forces réunies ne dépassaient guère 20.000 combattants.
Les artisans, qui formaient cette armée de révoltés, n'avaient guère combattu en rase campagne, et auraient peut être reculé volontiers. Mais la retraite était trop dangeureuse dans une grande plaine et devant toute cette cavalerie. Ils attendirent donc bravement. Chaque homme avait mis devant lui à terre son pieu ferré. Leur devise était : Seilt une vriendt, mon ami et mon bouclier. Les chevaliers qu'ils avaient avec eux, pour les encourager, renvoyèrent leurs chevaux ; et en même temps qu'ils se faisaient fantassins, ils firent chevaliers les chefs des métiers. Ils savaient tous qu'il n'y avait pas de grâce à attendre. On répétait que Châtillon arrivait avec des tonneaux pleins de cordes pour les étrangler. La reine avait, disait-on, recommandé aux français que quand ils tueraient les porcs flamands, ils n'épargnassent pas les truies flamandes.
Le connétable Raoul de Nesle proposait de tourner les Flamands et de les isoler de Courtrai. Mais le cousin du roi, Robert d'Artois, qui commandait l'armée, lui dit brutalement : "est-ce que vous avez peur de ces lapins, ou bien avez-vous peur de leur poil ? ". Le connétable, qui avait épousé une fille du comte de Flandre, sentit l'outrage, et répondit fièrement : "Sire, si vous venez où j'irai, vous irez bien avant !" En même temps, il se lança en aveugle à la tête des cavaliers en cette journée du 11 juillet 1302 dans un nuage de poussière. Les diverses compagnies se confondirent en une vaste colonne qui tomba sur les Flamands comme une trombe parmi les tourbillons de poussière. Chacun s'efforçant de le suivre et craignant de rester à la queue, les derniers poussaient les premiers ; ceux-ci approchant des Flamands trouvèrent, ce qu'on trouve partout dans ce pays coupé de fossés et de canaux, un fossé de 5 brasses de large. Ils y tombèrent, s'y entassèrent ; le fossé étant en demi-lune, il n'y avait pas moyen de s'écouler par les côtés. Les insurgés en profitèrent pour franchir le canal en deux points et charger sur les flancs cette masse confuse.
A l'aspect de leur ruine et de leur chute si promptes, le noble comte d'Artois, qui n'était pas accoutumé à fuir, avec sa compagnie de forts et vaillants gentilshommes, se plongea aussi au milieu des Flamands comme un lion enragé ; mais pour la grand'multitude de lances que les flamands tenaient serrées les unes contres les autres, il ne put transpercer leurs batailles… Les Brugeois n'épargnèrent aucune âme ; mais de leurs lances aiguës et bien ferrées, ils faisaient trébucher et choir chevalier après chevalier et les tuaient à terre. Et le comte d'Artois, bien qu'il fut navré de 30 blessures ou plus, se battait toutefois vaillantement et vigoureusement. Si tous les gentilshommes qui se trouvaient à la queue de la colonne eussent tenté un vigoureux effort, peut être eussent-ils dégagé leurs compagnons d'armes ; mais saisis d'une panique universelle, ils tournèrent bride et s'abandonnèrent à une fuite " très laide et très honteuse ". Et ainsi le duc de Bourgogne, le comte de Saint-Pol, Loys de Clermont et 2.000 hauberts laissèrent mourir leurs compagnons.
Les Flamands tuèrent à leur aise ces cavaliers désarçonnés : ils les choisissaient dans le fossé. Quand les cuirasses résistaient, ils les assommaient avec des maillets de plomb ou de fer. Ils avaient parmi eux bon nombre de moines ouvriers, qui s'acquittaient en conscience de cette sanglante besogne.
Toute la chevalerie de France vint s'enterrer là : Artois, Châtillon, Nesle, Brabant, Eu, Aumale, Dammartin, Dreux, Soissons, Tancarville, Vienne, Melun, une foule d'autres. 4000 éperons dorés (un autre dit 700) furent pendus dans la cathédrale de Courtrai. Triste dépouille qui porta malheur à la ville. 80 ans après, Charles VI vit les éperons, et fit massacrer tous les habitants.
Les Flamands victorieux allèrent ensuite aux tentes des chevaliers, et y trouvèrent grande quantité d'armes et grand appareillage. Quand ils eurent dépouillé tous les morts de leurs harnois et de leurs vêtements, ils s'en revinrent en grande joie à Bruges ; et ainsi, les corps dépouillés de tant de nobles hommes demeurèrent en la place et au champ, sans que nul les mit en sépulture, et les bêtes des champs, les chiens et les oiseaux mangèrent leurs charognes.